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Michel SCHUMACHER
7 mai 2012

Le grand cosmique troupier

Le grand cosmique troupier

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7 mai 2012

Jacques Stoll : Michel Schumacher,

 

Jacques Stoll :

Michel Schumacher,

géomètre-expert de nos envies inavouées.


Remontons ensemble le temps...
Penchons-nous sur cette "Gouache sur papier" de 1982 (collection privée), qui
contient les prémisses de la plupart des compositions à venir : les 100 vignettes
qui la composent mêlent chacune 3 ou 4 coups de pinceaux de différentes couleurs(dimension des vignettes : 3 cm sur 2 environ,10 vignettes en largeursur 10 en hauteur) parfaitement alignées, effilochées sur les bords. Les teintes

s'y jouxtent ou s'emmêlent sans cependant se confondre. Sont privilégiés le
carmin, le jaune, le gris doux. Les noirs, ou les ocres foncés, s'y heurtent par
moments. L'ensemble fait référence, dans sa facture, à une écriture
énigmatique, et, par sa construction en bandeaux verticaux, à un panneau d'une
symbolique extrême-orientale un peu estompée.
Mais, surtout, cette oeuvre, parfaite et tranquille dans sa géométrie, établit
clairement la grammaire et le vocabulaire de l'artiste, qui a alors 30 ans.
Cette grammaire se retrouvera peu ou prou, et quelles que soient la technique
et les méthodes utilisées par la suite, dans la composition de la plupart des toiles
à venir de Michel Schumacher. Elle consiste à fortement structurer la toile afin
de lui donner cette cadence, cette pulsation, mais aussi cette puissance, qui
sont les caractéristiques premières de notre peintre. Le vocabulaire, s'il va varier
au fil du temps, fera toujours, comme promis dans cette oeuvre initiale, la part
belle à la couleur ainsi qu'à la matière, à la texture, et à la jouissance sensorielle,

tactile et primaire, de leur mélange.
Michel Schumacher reprendra tout naturellement cette façon lorsque, vers le
milieu des années 90, il se tournera vers l'abstraction.

Mais cette abstraction, il la veut dès l'abord mobile, mouvante, et ne cessera de
rechercher par la suite la meilleure manière de la mettre en mouvement. Ce sont
ainsi, entre autres oeuvres similaires, ces 50 carrés constitués de plaquettes de
bois colorées (env. 8 x 8 cm, 10 par colonnes, 5 colonnes juxtaposées et
montées chacune sur tringles, le tout dans un cadre. 1999, chez l'artiste),
couverts de figures géométriques et de traits aux teintes contrastées, qu'il
installe sur un châssis et qui par un ingénieux système électrique et silencieux
bougent légèrement, et forment alors des figures successives subtilement
modifiées.
C'est surtout cette série de trois tableaux, également de 1999 (huiles sur toile,
50 x 65 cm) qui, comme les trois coups annonçant le lever de rideau,
accompagne son arrivée sur la grande scène de l'abstraction lyrique.
La composition de ces trois toiles est analogue : encore et toujours des colonnes
en aplats comportant des pastilles, cette fois aux mille couleurs, mais agencées
à présent dans une perspective dissociée qui fait tourner la tête. Vues d'en haut,
ces colonnes ? De côté ? Il y a là la verticalité vertigineuse des buildings d'une
cité d'outre-atlantique, et en même temps cette topographie, rendue aujourd'hui
si classique par la photo aérienne, d'une ville ou d'une campagne vue du ciel.
Impossible de se repérer dans ce panorama aux cadrages multiples, mais à la
géométrie têtue... La matière picturale, aux couleurs enrichies de plâtre afin de
lui donner l'évidence de ces tons pleins et mats, y devient véritablement
consistante.
Déstructurées en apparence et pourtant si structurées, en particulier celle parmi
les trois qui comporte un fond blanc (collection privée), denses mais comportant
cependant toujours un échappatoire visuel, offrant une large palette de couleurs,
ces toiles complexes et belles à la fois démontrent, s'il le fallait, la maîtrise
acquise du peintre dans la composition, la matière, la couleur.
Suit une série de gammes sur le thème des lamelles juxtaposées de couleur, le
plus souvent de format rectangulaire dressé en hauteur. La technique y évolue,
la matière picturale se durcit, jusqu'à prendre l'aspect de pointillés sous la forme
de dardants "picots". Que distingue-t-on ? De la polyculture ? Des jardins
ouvriers, un village africain ? Une géométrie intime, ou, tout simplement le plaisir
de la couleur, des couleurs ? Des toiles denses, touffues, bavardes, plaisantes.
Des toiles bâties, structurées, syntaxées, parfaitement composées. Evoquons
juste celle-ci, parmi tant d'autres, intitulée "Bal populaire" (55 x 46 cm, 2000,
collection particulière) : un pur festival de nuances, avec des lampions dans les
coins, d'incessantes gerbes de lumières, et des enchantements, des
enchantements à n'en plus finir. Les bleus, les oranges, les jaunes dominent. Et
cette figuration des plus festive, des plus explosive, est construite à la perfection.
Un marqueterie lamellée-collée de rêve ! La grammaire et le vocabulaire de
notre artiste nous donnent là de bien belles phrases qui balancent, pour notre
plus grand plaisir, sur le tempo du swing.
La phase créative suivante (2004/2005) conserve bien évidemment cette
construction géométrique, mais le traitement pictural y évolue. Les couleurs sont
plus que jamais là, mais le nouveau vocabulaire est fait de nuances préparées
sur la palette, puis appliquées au couteau sur la toile, dans un geste qui étale
brièvement le mélange de couleurs, un peu comme dans le travail de la laque.
S'ensuivent des touches irisées, des ruptures, des brisures. La construction
prend bien sûr la forme d'un carré central, souvent apparent, parfois uniquement
suggéré, toujours présent cependant, mais débordé de toutes parts par les
incessantes flammèches de nouvelles gerbes multicolores. Des toiles
foisonnantes, inquiétantes, presque saturées, dont on se demande ce qu'elles
dissimulent, tellement le feu qui couve en elles, et que la grille retient tant bien
que mal, paraît ardent.
Le summum de cette période est l'exposition présentée à l'été 2005 en l'église
romane de St Pierre et Paul, à Rosheim. Des toiles commandées, sur le thème
"Heureux les artisans de paix", de grande dimension (150 x 200 cm).
D'anthologiques tourbillons de couleurs, une composition puissamment achevée.
Interrogé lors d'une visite commentée de l'exposition, Michel Schumacher dira
que ses quadrillages sont des forteresses où l'on s'enferme par peur de l'autre,
et qu'il a tenté ainsi d'illustrer le "combat pour la fraternité". Un bien beau
combat, à voir cette série de 10 grands formats, plus évidents les uns que les
autres. Des toiles à voir de loin, d'où elles prennent une texture proche d'une
sorte de laine chaude et brûlante que l'on aimerait toucher. Des toiles à voir de
près, où la lecture de chaque centimètre carré propose alors d' infinies
harmonies de couleurs frottées aux rayons d'un soleil à son zénith. Un combat
qui passe par l'explosion, au moyen de la couleur et du feu, de la structure qui
(nous) l'enferme. Nous allons en reparler... Retenons aussi ces deux toiles de la
série, où le carré central est traversé de biais par un trait foncé qui parcourt la
toile dans toute sa hauteur, de haut en bas, de droite à gauche.
Michel Schumacher recherche souvent à travers les titres qu'il donne à ses
oeuvres à amener à une réflexion dépassant la seule contemplation. Il utilise
pour ce faire le jeu de mots, la référence littéraire, l'apparente absurdité, ou
l'approche poétique. Ainsi, dans le thème traité magnifiquement autour du
Combattimento de Tancredi et Clorinda, tiré de la Gerusalemme Liberata de
Torquato Tasso, peint juste avant l'exposition de Rosheim, il sous-titre ses
tableaux avec des interrogations sur la violence. L'Orient et l'Occident, et ce
choix n'est pas le fait du hasard, s'y battent dans un lieu moyen-oriental qui ne
peut laisser notre artiste indifférent. La structure opposée à la couleur ?
Grammaire contre vocabulaire ? Le phrasé contre le mot ? Qui a raison, qui a
tort ? Et est-on fait d'un bois unique ?
Après cette phase d'intense travail et d' interrogations personnelles, après cette
période que l'on peut qualifier de symphonique, la composition si parfaitement
maîtrisée et le traitement si idéal de la couleur, toute cette maturité qui suffirait
déjà à constituer ce qu'on appelle une oeuvre, vont connaître de sérieuses
remises en question.
La toile va s'éclairer par moments, se séparer en deux, le plus souvent
horizontalement, et présenter de part et d'autre du thème central des aplats de
couleurs bien moins animés que le coeur de la toile ("Poussées fébriles
mystiques", 2007, 150 x 197 cm ; "Cosmétique urbaine", 2008, 150 x190 ; "Belle
oeillade aux cils dociles et graciles", 2008, 116 x 89, etc). Si le carré central est
presque toujours là, parfois évident, parfois sous la forme d'une seule et légère
lacération du couteau dans le gras de la peinture, de grands gestes de couleurs
foncées viennent à présent entourer le motif central. Pour l'enlacer, ou l'étouffer
? Pour le comprimer jusqu'à l'éclatement ? Les forces cosmiques y sont en lutte
évidente, et comme toujours dans un tel conflit, les opposés s'affrontent sans
aucune retenue : le Nord et le Sud, le Soleil et la Lune, et, à nouveau, l'Occident
et l'Orient, en perpétuelles bisbilles.
Car les questions se posent à présent différemment...
Il y a des spirales noires ("Le grand cosmique troupier s'affole dans les débats
sidéraux", 140 x 280 cm, 2008), et de sombres tourbillons ("Poussées fébriles
mystiques", déjà citée). Il y a des conques vigoureusement formées. Leur centre,
où la technique du couteau qui exprime et étale sa goutte gorgée de nuance et
de matière colorées sur la toile n'a pas changé, est toujours aussi finement et
richement coloré. Et strié, quadrillé, scarifié du même tranchant de la même
lame. Les questions se posent différemment, et leur réponse est maintenant
évidente : le carré traversé précédemment d'un trait en biais est devenu cette
conque évoquée plus haut, également traversée d'un geste du scalpel. Et c'est
l'expression jubilatoire d'un sexe féminin en majesté, violent et victorieux,
tellement attirant dans son charnu, tellement nu dans ses milliers d'atours de
couleurs, tellement ingénu et pudique dans son dessin à grand trait, qui nous est
magistralement proposé. Est-il alors besoin de revenir sur le sujet qui nous
taraudait tant plus haut, sur ce feu qui couvait, sur la présence de ces grilles qui
tentaient désespérément de retenir les sens ? Sur LE sens ?
Mais notre artiste nous mène déjà plus loin : dans cette superbe toile de 2009
("La petite ingénue dévoile ses épices et s'ingénie nue dans l'alcôve", 140 x 190
cm) à l'expression aimable et sensuelle, et où cette impression d'une grenade
bien mûre prête à exploser de joie et de couleurs vous captive tant, le
quadrillage a quasiment disparu ! Comment cette marque de fabrique en
"béton", présente depuis le premier jour dans la peinture de Michel Schumacher,
et qui traverse toute son oeuvre, comment cette marque éminemment
structurante, même si ce n'est plus qu'au coeur même de l'objet du désir dans
les toiles de 2008, peut-elle être en voie de s'effacer ?
Dans l'esprit du ton volontairement provocateur et facétieux des intitulés dont il
accompagne ses tableaux, osons l'hypothèse suivante : à force de tourner
autour du plot, Michel Schumacher vient de (re)découvrir (comme peut-être
une partie occultée de lui-même) l'arabesque ! A l'évidence, la signature d'un
grand artiste allant chercher au fond de lui, et pour notre plus grand bonheur,
d'autres impressions et de nouvelles façons de les exprimer. Et les questions se
bousculent déjà : quelle est (était ?) la part de l'Occident dans la composition ?
Et de l'Orient dans la couleur ? Ou l'inverse ? Que nous réservent à présent les
sortilèges de sa peinture ? Quid de la petite musique de nuit arabo-andalouse
que l'on perçoit si bien en sourdine ? A quelles mélodies peut-on s'attendre ?
Quelle va être sa palette d'impressions ?
Nous attendons la suite avec la plus grande sérénité, mais aussi la plus grande
impatience !
Jacques Stoll, critique d'art.
Brest, juin 2009.

7 mai 2012

C O N T A C T


m i c h e l
s c h u m a c h e r


03 88 61 52 67 - 06 76 60 79 37 -
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7 mai 2012

A U T O P O R T R A I T

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